Louis "Moondog" Hardin (claviers, percussions, voix, 1-2, 4-5), Fritz Storfinger (orgue, 1,3; piano, 2), Klaus Könih (alto, 1), Gabor Gui, Ludovik Sandrik (violon, 1), Bertalan Ikrenyi (violoncelle, 1), Guy Carmichael (cor, 1), Wolfgang Schwering (orgue, 3), Henry Schuman (hautbois, 4), Peter Wendland (violon, viole, 4), Johannes Leis (flute, saxophones, 4), Götz Alsmann (banjo, 4), Andi Toma (guitare, 4), Andi Toma, Akbar Huck, Max Alsmann, Nobuko Sugai (voix, 4), Peter Hammill, Andrew Davis, Stuart Gordon, Bernd Kowalzik, Aluun Thomas (voix, 5), Danny Thomson (contrebasse, 5), Nicola Meecham, Liam Noble, Peter Blackwood (piano, 5), The London Saxophonic (5)

5 CD vendus séparément Kopf KD 33 01 40 (1) 33 01 60 (2) 13 30 17 (3) 12 33 14 (4) 94 33 33 (5) (distribués par Orkhéstra International)

Textes de présentation en allemand et en anglais, paroles en anglais (2) - Enregistré en 1976 (1), 1977 (2, 3), 1991 (4), 1994 (5) - Minutage 43' (1), 40' (2), 36' (3), 1 h 12' (4), 54' (5)

ADD et DDD


L'un des musiciens les plus résolument atypiques et anachroniques du XXe siècle est mort en septembre dernier, à Münster, en Allemagne, a' l'age de quatrevingt-trois ans. Apparu sur la scène new-yorkaise au début des années cinquante, plus exactement au coin d'une rue de Broadway où il chantait déguisé en Viking (casque, cape et épée) en s'accompagnant d'un tambourin, Louis Hardin - qui s'était rebaptisé Moondog ("Chien de lune") - se considère alors comme un "Européen en exil", distribuant et vendant pour quelques sous ses poèmes. Un accident l'avait rendu aveugle à seize ans; placé dans un institut specialisé à Saint-Louis, il apprit la musique et les instruments (violon, piano). A New York, la reputatian du clochard musicien grandit. Un producteur de jazz l'enegistra au milieu des années cinquante (rééditions en CD sur Prestige Ojccd-1741-2 cl Cdjzd 006). Dix ans plus tard, des membres de l'Orchestre philharmonique de New York et des jazzmen réputés enregistrèrent ses partitions symphoniques, dont les constructions inattendues sont fondées sur la technique mediévale du canon (Moondog et Moondog 2, repris en un seul compact - CBS MK 44994). Des musiciens de tous horizons se pressent autour de lui: Toscanini, Bernstein, Janis Joplin (qui enregistre son All is loneliness), Gillespie, Ellington, Glass ct Reich (qu'il impressionne beaucoup), et même Stravinsky, plutôt avare de compliments, qui aurait dit qu'il était "bon musicien")... Sa technique particulière de l'ostinato, au basse obstinée (que les Anglais désignent par ground), dérive d'une forme baroque apparue en Angleterre au XVIe siècle. Elle lui permet de créer une chaconne, basée sur un rythme fondamental de danse sur lequel toutes les variations et combinaisons sont possibles (lire à ce propos l'article de Scott Bartleby, "L'histoire de Moondog", publié dans la revue Nomad's Land no 4, hiver-printemps 1999).

Moondog, qui s'est exilé en Allemagne en 1974 dans la Foret-Noire, donna plusieurs concerts en Europe, notamment à Paris (Maison de la Radio), et enregistra trois nouveaux disques pour le label Kopf, récemment réédités In Europe, H'art Songs et A New sound of an old instrument. Si son premier disque pour Columbia (1969) demeure son chef-d'oeuvre incontesté, on redécouvrira cependant avec plaisir le musicien, entouré ici dé l'affection d'interprètes passionnés. Par la richesse de son inspiration (Viking 1, Romance), le dynamisme de ses rythmes (Chacone en sol), le hiératisme de ses fanfares (Hemdall) et l'étrange saveur de ses mélodies (la valse à 5/4 In Vienna), le disque In Europe est le plus captivant des trois enregistrés à la fin des années soixantedix, avec la poèsie lunaire, d'une simplicité déconcertante, du recueil de chansons H'art Songs.

Dix ans plus tard, avec Elpmas, Moondog, toujours bien entouré, se souvient des danses indiennes recueillies dans son Wyoming natal et du principe immutable d'un rythme démultiplié, comme ce canon à huit parties de Westward Ho! Le ton se veut écologique (les chants d'oiseaux dans Marimba Mondo) et polémique, avec les textes sur la destruction de la planète (Fujiyama, The Message). Enregistré en Angleterre, Sax pax for a sax, ultime témoignage du vieux barde, rassemble la fine fleur des musiciens londoniens dans un florilège de compositions anciennes (l'éblouissant hymne Bird's Lament dédié à Charlie Parker) et nouvelles (le spirituel Paris). Sa musique possède ce charme indicible et rare d'une oeuvre d'art qui échappe au commentaire et résiste à l'analyse; un instrument de magie, en quelque sorte, à l'image des paroles de son Monologue "Peu m'importe d'où je viens et où je vais, seulement où je suis aujourd'hui."


Dans la sphère des grands compositeurs minimalistes incarnés par Philip Glass et Terry Riley MOONDOG s'inscrit comme le plus "contrapuntique": chez lui prime part l'art de la mélodie. Mélodies naives et mélancoliques comme ses madrigaux et Canons, tribales et étranges commes ses premiers enregistrements de 1956. Le génie excentrique de MOONDOG fut reconnu à travers plusieurs décennies par des personnalités aussi différentes que Frank Zappa, Paul Simon et Miles Davis. Ses collaborations l'ont conduit aux côtés de jazzman tel Ron Carter ou Charles Mingus, mais aussi le poète Allen Ginsberg, les chanteuses Julie Andrews et Janis Joplin (qui interpréta l'un de ses madrigaux) jusqu'à Stephan Eicher qui convia récemment MOONDOG à l'arrangement d'un de ses titres. Samplé par Stereolab et Mr. Scruff, cet ami de Charlie Parker lui dédiera un morceau désormais célèbre: "Bird's Lament".

Louis Thomas Hardin, alias MOONDOG, porte en lui un peu de l'histoire musicale et un monde infiniment universel et singulier. Orkhêstra se devait de vous présenter la réédition de la discographie du légendaire MOONDOG décédé en septembre dernier.


MOONDOG
Elpmas
Les percussions tribales inimitables de MOONDOG pour un disque dédié aux indiens, aux arborigènes et à la nature.


MOONDOG
A New song of an Old Instrument (sic!)
Une fascinante et inhabituelle introduction à la conception musicale de MOONDOG. Compositions pour orgue mélangeant grandeur, spectaculaire, mais aussi simplicité et humilité.


MOONDOG
In Europe
Cet album de MOONDOG est peut-être le plus "classique". Quatuors à cordes précieux et ethérés, cors vikings, pièces pour orgue et celesta.


MOONDOG
H'art Songs
Chansons pour voix (MOONDQG lui-même) et piano. "H'Art Songs" est son disque le plus particulier, mettant en valeur des textes bizarres. Captivant et frappant.


MOONDOG
Sax Pax for a Sax
Le plus "jazz" des albums de MOONDOG, incluant le célèbre thème publicitaire de France Telecom (Bird's Lament). Avec le London Saxophonic, Peter Hammill et Danny Thompson.